Messages : 2'354
57
Inscription : 12.10.2005
En fouillant dans mon carton à trésors ce soir, je suis tombée sur l'extrait suivant.
Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke
"Vous êtes si jeune, vous à qui tout reste à entreprendre ... et je voudrais, [...], vous adresser, du mieux que je le puis cette prière : soyez patient envers tout ce qui dans votre coeur attend encore sa réponse; essayez de vous éprendre des questions elles-mêmes, pareilles à des chambres closes, à des livres écrits en une langue inconnue. Ne vous mettez pas en quête, pour l'instant, de réponses qui ne peuvent vous être données, parce que vous ne pourriez les vivre. Or, c'est de tout vivre qu'il s'agit. Vivez pour l'heure vos questions. Peut-être alors, dans un jour lointain, en viendrez-vous peu à peu, sans vous en apercevoir, à vivre au coeur de la réponse."
"Réfléchir, c'est déranger mes pensées"
Messages : 2'354
57
Inscription : 12.10.2005
Et dans mon joli carton, y'avait aussi ça, tiré de "Océans" de Yves Simon, un roman que j'ai lu 10 fois, très beau.
"Demain, le mot aujourd'hui sera le plus beau mot que j'aurai à prononcer. Il voudra dire ma vie, la vie qui naît et qui meurt, le bruit des incertitudes et l'ampleur des différences.
Je prononcerai aujourd'hui en me levant, en me couchant, quand je ferai l'amour avec un homme que j'aime et à qui je dirai "aujourd'hui je t'aime", en marchant, en courant, en respirant. Je dirai au / jour / d'hui, et je serai heureuse, rien que de prononcer ces trois syllabes. Je dirai "aujourd'hui, j'ai mal au côté gauche" et je saurai que je suis en vie et remarquerai alors le bleu du ciel et les visages derrière les fenêtres. Quand je dirai avec ma bouche le mot aujourd'hui, il n'y aura ni passé ni avenir, ce sera seulement aujourd'hui avec le poids de la terre, des étoiles et des rêves non réalisés.
"Réfléchir, c'est déranger mes pensées"
Messages : 2'354
57
Inscription : 12.10.2005
Allez, encore un petit coup, Rudyard Kipling ce soir, son poème "Tu seras un homme mon fils"
Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi;
Si tu gardes confiance alors que chacun doute,
Mais sans leur en vouloir de leur manque de foi;
Si l'attente, pour toi, ne cause trop grand-peine;
Si, entendant mentir, toi-même tu ne mens,
Ou si, étant haï, tu ignores la haine,
Sans avoir l'air trop bon, ni parler trop sagement;
Si tu rêves - sans faire des rêves ton pilastre;
Si tu penses - sans faire de penser toute leçon;
Si tu sais rencontrer Triomphe ou bien Désastre,
Et traiter ces trompeurs de la même façon;
Si tu peux supporter tes vérités bien nettes
Tordues par des coquins pour mieux duper les sots,
Ou voir ce qui fut ton but brisé en miettes,
Et te baisser, pour prendre et trier les morceaux;
Si tu peux faire un tas de tous tes gains suprêmes
Et le risquer à pile ou face - en un seul coup -
Et perdre - et repartir comme à tes débuts mêmes,
Sans murmurer un mot de ta perte au va-tout;
Si tu forces ton c½ur, tes nerfs, et ton jarret
A servir à tes fins malgré leur abandon,
Et que tu tiennes bon quand tout vient à l'arrêt,
Hormis la Volonté qui ordonne : " Tiens bon ! "
Si tu vas dans la foule sans orgueil à tout rompre,
Ou frayes avec les rois sans te croire un héros;
Si l'ami ni l'ennemi ne peuvent te corrompre;
Si tout homme, pour toi, compte, mais nul par trop;
Si tu sais bien remplir chaque minute implacable
De soixante secondes de chemins accomplis,
A toi sera la Terre et son bien délectable,
Et - bien mieux - tu seras un Homme, mon fils.
"Réfléchir, c'est déranger mes pensées"
Messages : 2'354
57
Inscription : 12.10.2005
(07.11.2006, 20:47)Trelk link a écrit :C'est toi qui l'a traduit ?
Parce que la version française que je connais n'est pas la même
non, cette version est une traduction de Jules Castier et date de 1949. Il a été publié dans l'édition des Mille et une nuits, en 1998 (ISBN 2-84205-332-X). Il est publié en ouverture des lettres que s'échangèrent Kipling et son fils alors que ce dernier était au front en 1915. John, son fils, est mort au front quelques semaines avant ses 18 ans.
Si t'as pas trop la flemme, tu écrirais la version dont tu dispose ? :roll:
"Réfléchir, c'est déranger mes pensées"
Messages : 1'259
70
Inscription : 15.01.2006
Voili :
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un seul mot;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur;
Rêver, mais sans laisser le rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent;
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant;
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.
Je viens de pianoter et cette version est celle de 1918 traduite (ou plutôt adaptée) par André Maurois. Beacoup moins fidèle au poème original (même l'ordre n'est pas respecté) mais je la trouve plus forte. Maintenant, c'est peut-être aussi parce que j'ai toujours connu celle-là et que celle de Castier, ça fait moins d'une heure
Edith me dit que sur ce site, on trouve plusieurs autres traductions de If. J'ignorais totalement qu'il existait d'autres versions celle de Maurois. Comme quoi, le bookcrossing permet vraiment d'élargir sa culture.
Messages : 2'354
57
Inscription : 12.10.2005
Merci beaucoup.
Je vais imprimer ça et prendre le temps de les lire.
"Réfléchir, c'est déranger mes pensées"
Messages : 1'259
70
Inscription : 15.01.2006
A la demande de Labrune, reine des sens cachés, voilà la fameuse lettre de Sand à Musset :
Cher ami,
Je suis toute émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l'abandon ou je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourrez bien vite et venez me le
faire oublier. À vous je veux me sou-
mettre entièrement.
Votre poupée
Mode d'emploi : lire une ligne sur deux
La réponse de Musset
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un cur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.
Là, on ne lit que le premier mot de chaque ligne, tout comme dans la réponse de Sand que voilà :
Cette insigne faveur que votre cur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme
Messages : 3'988
59
Inscription : 27.01.2006
Merci, c'est quand même très fort...
Messages : 3'218
120
Inscription : 12.04.2006
merci !
"On ne ment jamais autant qu'avant des élections, après une chasse et pendant une guerre." Bismark
"L'optimisme, c'est partir chasser Moby Dick en canot à rame et prendre avec la mayonnaise."
Messages : 3'988
59
Inscription : 27.01.2006
28.11.2006, 22:26
(Ce message a été modifié le : 28.11.2006, 22:33 {2} par labrune.)
(28.11.2006, 22:11)tiki-tiki link a écrit :[quote author=labrune link=topic=1306.msg24461#msg24461 date=1164718227]
alors une piqûre-qui-fait-même-pas-mal pour tchop2x et une seringue-qui-fait-plop pour Sileya, qui veut les ratons laveurs? Ben moi evidement...lol
[/quote]
Pour ceux qui aiment Prévert, connaissez-vous ce texte?
http://site.voila.fr/nom/jacques_prvert_diner_tetes.htm
Lu par Serge Reggiani, c'est juste magnifique. Je l'avais sur cassette, mais on me l'a volée...
|